« Récit de 2 Hommes au Marathon des Sables 2002 »

 par Raphaël LOFFREDO et Paul CARIDDI


Photos

Du 07 avril 2002 au 13 avril 2002 :
224 km en 6 étapes dans le désert du Sahara en autosuffisance alimentaire

Au dire de tous ceux qui l’ont vécue, cette édition 2002 qui s’est déroulée en plein milieu du Sahara a été une des plus fantastiques et des plus réussies malgré des conditions particulièrement éprouvantes. La météo réserva son lot de caprices avec au menu pluie et tempête des sable en série qui usa les organismes. Il fallait être très fort pour sortir gagnant de ces ingrédients pour le moins indigestes ajoutés aux difficultés du site.
Raphaël et Paul, nos héros, ont su puiser dans leurs ressources pour franchir main dans la main la ligne d’arrivée, leur but final respectivement à la 244ème place et 245ème place sur 610 participants.

Qui pourrait mieux qu’eux nous narrer leur aventure ?

Suivons-les étape par étape …

 

Récit des Marathoniens des Sables 2002, le 17ème du nom,

départ de Paris le 5 avril, retour le 15 avril 2002.

Raphaël LOFFREDO et Paul CARIDDI

                          

 

 

Le Jeudi 04 Avril 2002 : 17 h 23 – Gare de Metz -.

 

Ca y est, on est vraiment dedans !

Après plus d’un an et demi de préparation, de recherche de sponsors, d’achat du meilleur matériel, de conseils et d’entraînements, c’est le grand départ pour la 17ème édition du MDS 2002.

 

L’après-midi de ce jeudi a été très stressante et longue, un mélange d’angoisse et d’impatience d’être là bas.

 

Départ du train à 17h23 de Metz, arrivée à 20h22 à la gare de l’Est. Nous avons relié la gare du Nord à pied. A 21h00, nous avons pris le RER pour Roissy CDG ; une rencontre avec un marginal nous permettra de nous détendre et faire une transition avec la nuit que nous allions passer, car nous savions que les hôtels étaient trop coûteux pour notre budget qui avait déjà été très sollicité.

C’est donc en bus que nous avons rejoint l’aéroport et sur un banc en acier, nous avons passé une de nos première nuit hors de notre confort habituel jusqu’à l’embarquement prévu à 6h00 le lendemain matin. Après une nuit entrecoupée d’aller-retour aux toilettes et de coups de téléphone aux personnes faisant partie de nos cœurs, 6 heures étaient là.

 

 

Le Vendredi 05 Avril 2002 :  06h00 -  Aéroport Charles de Gaules - Paris.

 

Rituels habituels : présentation des papiers, contrôle des passeports, rencontre avec d’autres coureurs, toujours peur d’avoir trop de kilos dans notre sac à dos...

Un dernier coup de téléphone avant le décollage à 9h00. Nous sommes un peu plus détendus. Nous discutons avec un ancien ayant déjà participé au MDS et nous voilà parti pour quelques heures de sommeil dans l’avion.

 

12h30 : arrivée à Ourzazate .

Cela fait drôle de se retrouver sur cette terre, après en avoir discuté pendant des mois et des mois.

Départ 13h15 avec les bus, direction le campement.

Une des premières émotions, ce fut lorsqu’on nous donna une bouteille d’eau avec l’emblème du Marathon des Sables.

Nous réalisions encore plus où nous étions. Après 4 heures de route à travers des paysages bien particuliers parfois presque lunaires, nous arrivions à destination, enfin presque car il restait 5 kilomètres avant d’atteindre le lieu de campement. Nous devions le rejoindre en camion militaire, mais malheureusement n’étant point au rendez-vous, c’est en camion à bétail que nous finissions le trajet !

 

Quelle émotion de voir au loin le bivouac ! Des centaines de fois nous avions vu ces images mais maintenant c’est plus sur papier glacé ! Il est là devant nous et dans quelques minutes nous serons sous une de ces tentes. La notre portera le N° 26.

La soirée passe très vite : rencontre avec des concurrents, tour du campement, découverte du milieu de l’organisation qui est très impressionnant, déjeuner et notre première nuit sous une tente berbère !

Demain, une journée tant attendue par tout le monde : le contrôle des sacs et des papiers administratifs.

 

 

Le Samedi 06 Avril 2002 : Jour du contrôle administratif et technique et journée libre.

 

A 10 heures, nous devions nous présenter au contrôle. Contrôle des papiers administratifs, pesée du sac à dos : les nôtres pesaient 13 kg : c’était bon.

Une certaine angoisse nous prenait encore au ventre, peur de nous prendre une pénalité, même si nous ne jouions pas la gagne.

L’après midi passa entre les discussions de certains marathoniens expérimentés, des photos devant la tente ou sur une colline des environs, derniers réglages du sac, vérifiez toujours et encore si l’on a rien oublié.

 

 

Le Dimanche 07 Avril 2002 :

1ère étape : de OUED DRAA à OUED MIRD – 26 km –

 

Après une deuxième nuit passée sous la tente, vers 5h30, nous sommes tous réveillés car à 6h 00, les Marocains viennent démonter les tentes. Pas de détails : ils démontent même si vous êtes encore en dessous ! Ensuite entre le premier petit déjeuner en auto-suffisance alimentaire, une sommaire toilette, nous préparons et vérifions notre sac pour l’énième et dernière fois.

 

Le départ de la 17ème édition du MDS 2002 est prévu à 9h00.

 

Quelle angoisse ! Quelle excitation !

Après avoir vu des dizaines de fois ces images, nous les vivions en direct et en réalité : la banderole du départ, l’hélicoptère, les journalistes, et tous ces coureurs … on y était ! …

 

Avec un peu de retard, à 9h25, le représentant du Roi, le gouverneur de la région était présent au moment du départ du 17ème MDS 2002.

Le patron, M.BAUER, nous donna le top départ : 3, 2, 1, ! Nous voilà partis pour 26 km.

 

Tout au long de cette étape, nous regardons partout comme si on avait peur de manquer un paysage. Nous regardons les autres coureurs et nous ne cessons de se dire ‘’ça y est, tu es dedans ‘’

Lors de cette étape de OUED DRAA à OUED MIRD nous traversons différents paysages. L’étape est constituée de deux points de contrôle (PC). Nous trouvons qu’ils arrivent vite.

Nous franchissons la ligne d’arrivée en 3 h 20 et nous nous retrouvons classés à la 334ème et 335ème place sur 600 participants.

 

Enfin une de passée…

 

 

Le Lundi 08 Avril 2002 :

2ème étape : de OUED MIRD à S/E BOUNOU – 36 km –

 

Grande étape de 36 km avec des dunes.

 

Raphaël :

« J’appréhende un peu plus car j’ai une ampoule à cause du sable d’hier. De plus, je suis malade : maux de tête, nausées… je ne supporte pas les barres énergétiques.

Je pars sur un bon rythme mais je sais que plus loin des dunes nous attendent et nous avons un vent de face terrible…

Les 2 CP arrivent vite, il reste 12 km. Je les fais tout en marchant, j’ai encore des nausées et des maux de tête et je termine en 6 h 00 et avec une ampoule supplémentaire…

J’arrive enfin à la tente : la seule chose que je fais : me déshabiller et me mettre sous le sac de couchage

Toute la nuit passera comme cela, avec une gamelle de pâtes… »

 

 

Le Mardi 09 Avril 2002 :

3ème étape : de S/E BOUNOU à OUED N’AM  – 31 km –

 

« Une étape très dure nous attend, mais souffrir plus qu’hier, je ne pensais pas …

Satisfaction de la veille : je fais 213ème et au général et remonte à la 232ème place ».

 

Le départ de l’étape se fit à 8h45 après un petit déjeuner toujours composé de Bolino !

Avant le départ, séance photos pour les 8 occupants de la tente 26.

Nous avons fait pratiquement les 21 premiers km sans nous arrêter.

Quelle émotion lorsque nous avons traversé un village et la kas bas !

« Je revois ces femmes, habillées de robes colorées entrain de remplir leurs seaux au puits, ces ânes … » En passant, nous tapions dans les mains des enfants…Ils étaient heureux et nous aussi… »

 

Ensuite, après le CP 2, cela devenait dur avec la chaleur, le sable mais surtout avec ce terrible vent qui nous aveuglait.

Les derniers km ont été pénibles. Nous regardions sans cesse l’arrivée au loin, mais le vent de sable, nous empêchait de la distinguer.

Et tout à coup, au loin nous avons aperçu des drapeaux, signe que le bivouac était tout près. Quelle joie :

Après 4h00 d’effort, nous arrivons...

Nous allons chercher notre ration d’eau, comme depuis le début.

« L’attente était longue, j’avais soif et une seule envie : celle de m’allonger car j’avais encore ces maux de tête.

Vers 17h00, j’ai seulement mangé un Bolino. »

 

 

Le Mercredi 10 Avril 2002 :

4ème étape : de OUED N’AM au Lac IRIQUI – 71 km –

 

L’étape la plus longue de notre aventure : 71 km dont 22 dans les dunes. Départ 9 h 00.

 

Une étape que tout le monde redoute depuis le début du raid. Certains disent « si tu passes celle la, ton MDS est gagné »

En plus, il y a 22 km de dunes et toujours ce vent terrible en pleine face qui nous fatigue. Seul avantage, la température a un peu baissé.

Je pars en courant avec Paul jusqu’au 3ème CP, c’est à dire jusqu’au 35,5 km. Nous avons traversé un lac asséché avec un vent terrible de face qui nous obligeait à nous protéger en marchant en file indienne, les uns derrière les autres, pour pouvoir progresser.

Pour l’instant tout se passe bien, mais nous savons que le plus dur reste à venir.

Des dunes hautes de 100 à 150 mètres… ça n’arrête pas de monter et de descendre …arrivés presque en haut des dunes il faut parfois se mettre à quatre pattes, et quand tu es en haut  tu te prends le vent en pleine figure…

 

On espérait traverser les dunes avant la nuit mais trop tard ! On finit en groupe d’une dizaine de coureurs équipés de nos lampes et de nos boussoles ... La hantise : se perdre …

L’organisateur nous avait promis un rayon laser pour nous guider mais il tarde à venir, donc sans cesse nous regardions notre cap, ce fameux cap à 273. Ne pas se perdre…Ne pas se perdre…

Enfin le voilà au loin ce fameux laser tant attendu mais nous n’étions pas soulagés car nous étions encore dans les dunes et dans le noir, nous devions monter les dunes de face, donc un effort supplémentaire et le sac nous pesait de plus en plus …

Lorsque nous aperçûmes le dernier CP, nous savions qu’il restait 12 km mais surtout les dunes étaient terminées…

«Je terminais les douze derniers km sans lunettes de soleil car je les avais perdues au contrôle.

Il a fallu que je reste derrière Paul pour me protéger. De plus, nous apercevions les lumières du bivouac au loin, très loin, très très loin….

Enfin ! l’arrivée, à 23 h 15, après plus de douze heures d’effort. Je me suis couché en échangeant quelques mots et je me suis endormi.»

 

 

Le Jeudi 11 Avril 2002 : Journée de repos

 

Repos, vent de sable terrible, impossible de sortir de notre tente... Nous avons mangé, dormi dans 3 cm de sable ... Il passait partout…

«Ce jour -là, j’en profitais pour téléphoner à ma famille. Cela m’a fait du bien au moral .

Mon souci par contre était de retrouver des lunettes de soleil pour me protéger les yeux. Grâce à Paul et à son don naturel de parler à tout le monde, il a réussi à m’en trouver une paire. Merci Paul…tu m’as sauvé la…vue ! »

 

 

Le Vendredi 12 Avril 2002 : du LAC IRIQUI au NORD JEBEL AMSAILIKH

- 42 km -

 

Départ à 9 h 15 : il n’y a pas de vent et il ne fait pas trop chaud.

« On démarre avec Paul et un groupe dont deux concurrents de notre tente. On se sent bien On mène un train soutenu, les sensations sont bonnes. Le premier CP arrive vite, je suis étonné mais je me retiens… »Savoir s’économiser et gérer sa course » Le paysage est toujours aussi superbe.

Par contre, j’ai failli me blesser sérieusement. Je me suis enfoncé une épine de 3 cm dans le pied. Heureusement que j’ai eu le réflexe de ne pas appuyer sur le pied et ai ainsi pu la retirer sans difficulté.

2ème CP : je me sens toujours bien, je continue, j’accélère même.

Le paysage devient de plus en plus magnifique : oasis, montagnes, palmiers etc.…

 

Paul a une légère faiblesse, je le lâche un peu.

Le bivouac est proche, enfin on croit le voir proche, mais il est encore très loin.

Je finis au train avec un concurrent et une concurrente américaine qui à 500 mètres de l’arrivée me propose de terminer main dans la main - super comme finish ! Je finis en 4 h 35 ‘et 117ème.Je suis très content. En plus je sais que demain c’est la dernière !

Je mets un certain temps à récupérer…et troque avec Dédé partageant notre tente 2 Bolinos contre une soupe chinoise que je mangerai plus tard. Ensuite remis de mon effort, je reçois des e-mails : Brigitte et un copain, cela fait chaud au cœur.

 

Ensuite, pour se détendre avec Paul et Joëlle, nous allons voir les classements et on regarde comment les Marocains préparent leur pain dans leur tente : leçon culinaire !

Et tout à coup, au milieu du bivouac, deux jeeps s’arrêtent : des hommes de l’organisation descendent, et déchargent devinez quoi ? des cartons contenant du coca-cola très frais ! Vous ne pouvez pas imaginer comme ça fait du bien après toutes ces journées d’effort !

 

…Au fait, j’allais oublier : ce matin nous nous sommes pris une heure de pénalité parce que nous étions en retard à la récupération de notre eau. Nous avons pris le départ de cette étape avec la rage au ventre.»

 

 

 

Le Samedi 13 Avril 2002 : 6ème et dernière étape du Nord JEBEJ AMSAILIKH à FOUM ZGUIT – 20 km -

 

Arrivée à FOUMZIG.

Dernier petit déjeuner, dernier démontage de la tente 26 par les Marocains, dernier regard sur le paysage du village du MDS.

Dernière photo sous la banderole. Le temps est beau, pas de vent et il ne fait pas très chaud. Départ à 9 h 00.

Dernier discours du directeur de la course et dernière danse des coureurs sur la musique qu’on nous passait tous les matins pour nous mettre du baume au cœur.

Et top, c’est parti, très vite d’ailleurs.

« Paul n’est pas très bien, il est blessé au dos à cause de son sac à dos qui lui a provoqué d’importantes brûlures cutanées. Je suis bien mais je tiens ma promesse : terminer main dans la main avec mon ami Paul.

L’épreuve passe vite.

Curieux, à 8 km de l’arrivée, nous traversons une route goudronnée. Cela faisait drôle de revoir un signe de civilisation.

Les deux derniers km sont longs car nous voyons le village mais pas l’arrivée. De plus, je remarque une montée juste avant le village.

Dédé, le militaire nous rattrape mais je force pas, je reste avec Paul.»

 

On arrive au bout du village et on ne voit toujours pas cette arrivée, tant de fois rêvée et imaginée dans nos têtes.

…Et tout à coup, accueilli par des dizaines de villageois sur une route en légère descente, on aperçoit la banderole... Paul, à 100 m de l’arrivée me prend la main et on finit ensemble. Félicités par le directeur, il nous remet la médaille tant rêvée, elle aussi. Le plaisir d’en avoir fini est immense mais je ne pensais pas qu’une orange et un morceau de pain remis par les organisateurs me feraient presque autant plaisir.

Ensuite je marche, un peu perdu dans ce village  au milieu de tous ces coureurs heureux comme moi.

Je trouve un endroit à l’ombre avec les copains de la tente 26 où on se sert la main, on se dit contents d’être là et enfin arrivés.

On fait la photo devant la banderole avec Paul et Jean Charles en montrant avec fierté notre médaille.

Je vais voir si les vendeurs de jus d’orange frais acceptent l’euro : je demande à une personne en pensant que c’est un vendeur mais il faisait partie de l’organisation du MDS et peut être par pitié, il me donne 5 dinars pour me payer un verre de jus d’orange que je suis heureux de partager avec Paul.

 

Après une heure d’attente, nous prenons le bus pour OUARZAZATE, à environ 150 km.

Je contemple toujours autant les paysages.

Vers 16 heures, nous arrivons à l’hôtel.

Il y a du monde mais la bonne organisation va nous permettre d’être rapidement dans notre chambre.

 

Heureux de s’allonger sur un bon lit, de prendre une bonne douche et surtout un bon repas le soir et ce séjour se termina par du tourisme en ville.

 

 

Voilà la fin du récit de notre aventure.

Le reste ne se raconte pas mais se vit…

 

Raphaël et Paul

 

 

 

P.S : (Merci encore à nos sponsors, amis, familles : sans vous, nous n’aurions jamais pu vivre cette formidable aventure tant sportive qu’humaine… )

 

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